Hey
Me revoilà après une nouvelle nuit de 9h30
Il parasite la vue avec l’élégance du chaos. Il perturbe l’ordre attendu — la froide transparence de la rambarde en verre.
Contenir le sourire devant cette beauté.
Je vais prendre mon petitdej.
Elle les ronge trop, elle le sait mais elle le fait. Encore et encore.
Hier soir, j’avais mal aux doigts en allant me coucher. Là, il reste des p’tits bouts qui m’gênent, alors j’fignole.
Elle mordille, ronge, boit une gorgée de bière sans gluten puis reprend le chantier. Elle évacue tout ce qu’elle peut en grignotant ses doigts.
Bisous à L. et F.
Avant la bière sans gluten. Mais après les maki alignés sur un plateau en bois pour le déjeuner. Après le p’tit café au Cercle Rouge, les quelques minutes à vélo et les explications bien rodées de la jeune femme à l’accent latin prononcé. Puis le vestiaire et la cabine pour se changer, enfiler un maillot.
La vapeur dans la salle à 40°. Les douches chaudes, les seaux d’eau froide. La salle à 60°. Le coup de massue derrière. Retour à 40°. L. se frotte la peau au savon noir, patiente quelques minutes puis passe le gant de crin sur ses bras et ses jambes et son ventre. Elle tend le gant, passe les mains derrière elle, dénoue le haut de son deux pièces pour libérer son dos. Frotter de haut en bas, dessiner l’infini, puis de droite à gauche, l’infini encore. Répéter, puis improviser pour ne pas lasser.
Arrête quand tu veux, hein. Parce que là, moi, ça pourrait durer des heures.
Douches chaudes, seaux d’eau froide. La salle de repos, les quartiers d’orange et l’eau citronnée. La vapeur et la sieste ralentiront les gestes jusqu’au soir.
La pudeur de courtoisie à l’aller laisse place à la détente de connivence : tomber les peignoirs et se rhabiller est l’affaire d’une minute sans le contorsionnisme imposé par une cabine. Une seconde suspendue plus tard, des rondeurs à la peau claire accueillent un débardeur noir dont les fines bretelles viennent se poser sur des épaules bronzées adoucies par le passage du gant de crin.
Pour éviter de fondre comme un glaçon dans un verre de soda en terrasse, il suffit de contenir le sourire provoqué par toute beauté soudaine et spontanée.
Il est quelle heure ?
16h04. La bonne heure pour une bière trop chère sur la terrasse du Lieu Unique.
Vous avez des bières sans gluten ?
L’ombre des feuilles d’arbre se dessine et danse sur les épaules et le visage de L. Affalée sur une chaise longue, elle abandonne un sourire dans chaque rafale du vent qui se lève, enhardi à son tour par ses sourires à elle.
Elle enfilera un ample et fin pull d’été, sur le débardeur noir aux fines bretelles, pour rentrer chez elle.
Alors ce hammam par 34°C ?
Soirée pasta ?
La porte de chez eux n’est jamais fermée à clé.
Dehors, le ciel s’assombrit, un brin mélancolique, et le vent s’enflamme, un peu chonchon. Les sourires de L. ont disparu.
La petite est sur le canapé, repliée contre un coussin sur lequel un ordinateur posé diffuse une histoire audio. Elle porte un bonnet avec des oreilles — de lapin, sans doute — pour mieux t’entendre, mon petit. Elle agite un papier devant son visage. Elle est ailleurs, loin là-bas. Comme souvent à cette heure-là, les activités du jour l’ont assommé.
F. est au piano. Pas douchée, et pas envie de s’y résigner. Un bandeau retient ses cheveux. Un T-shirt ample à col échancré révèle le haut de son dos. Un collier, longue chaîne de métal aux tons cuivrés, marque une frontière avec le cou. Aux pieds, des sandales à larges lanières croisées brillent et soulignent ses ongles vernis, résultat de l’atelier d’été réalisé huit jours plus tôt dans le jardin.
Elle arrête de jouer pour te serrer fort dans ses bras.
On t’attendait, tu vois ?
Elle s’esclaffe contre toi, son rire résonne en toi, puis elle reprend un morceau de Ludovico Einaudi, son plaisir depuis des semaines. Elle t’a fait découvrir, il tourne en boucle depuis.
J’en tiens un nouveau. Je vais te faire écouter.
D. passe une tête.
Bon, je vais me doucher.
Lui a fait son choix, elle ne dévie pas — pas envie. Il referme la porte. Elle attaque Primavera. Les motifs se succèdent, s’alternent, s’entremêlent – prennent toute la place. Du rêve couché sur partition.
Chaque fois qu’elle joue du piano, elle s’arrête une seconde, à intervalles réguliers, pour tourner la page de la partition. Puis elle reprend une grande inspiration et le morceau, promène ses doigts, oscille parfois, trébuche, mais ne lâche rien.
Ces secondes de silence suspendues à répétition déchirent le cœur dans un fracas qui bourdonne dans les oreilles.
Puis elle reprend.
Contenir le sourire. Soudaine et spontanée beauté.
Dehors, la grisaille bivouaque dans le ciel pour la soirée. Dedans, la petite redescend sur terre et cède le canapé mais pas trop — pas envie.
J’peux faire des photos ?
Le temps de lui montrer où se trouve le déclench… Maman. Les plantes. Papa. La peinture de maman. Tonton qui fait le con. Tonton qui fait le con. Tonton qui fait le con. Tonton et papa qui font les cons. Tonton et papa qui font les cons. Maman qui s’en mêle. Tonton, papa et maman en vrac sur le canapé, qui font les cons. La Reine d’Angleterre, tenue là, droit, par maman.
Pasta pomodoro e olio. La petite s’agite, déconne en sifflant les spaghetti, déplore l’absence de dessert cause départ en vacances et frigo à vider, puis les dents, pipi et au lit.
Les adultes poursuivent le vin blanc en terrasse. F. et D. découvrent le jeu vidéo depuis quelques temps et s’éclatent, l’avion de F. est annulé et reporté de 24 heures — suffisantes pour étirer les moments ensemble le lendemain après-midi, de terrasse en terrasse.
Le ciel s’éclaire par moments. Les nuages s’illuminent dans la nuit.
Ah, oui. Le 14 juillet.
F. s’affale sur D. et ferme les yeux.
Du réveil au coucher.
La journée était chouette (j’adore cette maison). J’ai demandé à M. d’être ma témoin et il y a eu des larmes. Mais ça me fait penser au mariage et à l’angoisse des solutions qu’il va falloir trouver pour réunir (ou pas) tous ces gens qui ne s’entendent pas.
Un métronome dans la journée.
Donc là je regarde le dernier épisode de Drag Race en replay, et je m’endors doucement 🥱
Rarement plus de 9h30 sans donner de nouvelles, ou en prendre.
Ta journée copines-hammam c’était trop super ?
Toute la journée, du réveil au coucher, des motifs se succèdent, s’alternent, s’entremêlent – prennent toute la place.
Les dents, pipi, et au lit
Fondre comme un glaçon après cette journée d’été.