C’est comme un grand ménage de printemps. On ne pensait pas, mais ça fait du bien. On trie, on s’attarde sur des riens.
Au moment de la glace, la journée est bien entamée mais la soirée encore à venir. La balade au marché avec M. a fini en apéro matinal. De retour à la maison, rejoints par R. et C., le déjeuner sans repas attablé mais pas sans nourriture à table sert à décapsuler tout le monde. R. a des cernes de la taille du lac Titicaca, M. et C. ont besoin qu’on leur tienne le crachoir. Il faudra des bières, du vin, du thé glacé et de la citronnade de daronne pour parvenir à un commun accord tacite pour le reste de la journée : pas trop vite, pas trop fort, mais aussi longtemps que possible et tout en douceur.
La marche jusqu’au marchand de glaces est lente et digestive, la file d’attente expédiée, la déception de taille quand la terrasse est bondée et la joie sincère quand une place se libère enfin.
C. est partie poser sa bagnole et soigner ses poules, avec M. en adjoint. D. vient boire un coca. La fin d’après-midi s’étire comme un filet de fromage fondu.
Retour dans les rues. Un disco-foot, une Shiva, une statue qui se déplace — tout ça reste flou. Le spectacle est toujours du côté des spectateurs.
Être touriste à domicile.
Sur la terrasse du Landru, après l’arrivée de F. et D., bières et bavardages font taire la rue. Le serveur fume sa clope, le téléphone collé à l’oreille.
Allez par là il paraît qu’il y a un truc sous les Nefs. La descente et la traversée se font en claudiquant, au rythme de R. qui douille avec sa cheville. Pause devant la Justice qui fait une pause elle aussi. Marre de tenir la balance.
Des perruques, de la musique fort, des comptoirs en enfilade. Ça ne colle pas mais personne ne le dit. Boire un verre mais pas deux.
S’éloigner. Se perdre. Regarder le ciel. Être touriste à domicile.
Chaises hautes avec vue sur la Loire et les Anneaux de Buren, chaises longues avec vue sur les bières et les yeux plissés. Il y a celles et ceux qui se refroidissent, et celles et ceux qui s’assoupissent. Il y a l’envie d’étirer le fromage et il y a la réalité. Il y a la Lune et les passerelles. Il y a les bras dessus bras dessous qui ont adouci la journée de cette nuit.
R. claudique. Bras dessus bras dessous jusqu’à la maison. Respiration, discussion, goûter nocturne. Elle file, et le filet de fromage cède.
Être touriste à domicile, c’est comme un grand ménage de printemps. On ne pensait pas, mais ça fait du bien. On trie, on s’attarde sur des riens. On estime la valeur qu’on accorde à ce qui nous entoure.
Ceux qui nous entourent.