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Mieux qu’une habitude ?

Bousculer une habitude

Tu manges des fruits, tu fourres tes affaires dans un sac sanglé au porte-bagages, tu attrapes ta casquette, tes lunettes de soleil et tes clés, puis tu claques la porte.

Tu démarres, tu vires à gauche et oh putain chasubles et barrières calment ta oije et barrent la route. TOUTES les routes. Parce que le marathon m’sieur — cinq mille zinzitos limant la gomme de leurs semelles sur plus de quarante bornes. Cinq mille bonnes raisons t’obligeant à ne pas emprunter ton trajet habituel pour aller limer la gomme de tes pneus au bord de la Loire. Ton affaire est bien rôdée normalement : l’île, puis sud Loire, tu pédales, tu transpires, tu t’arrêtes à un moment, tu reprends ton souffle, tu repasses nord Loire, tu rentres, yallah problème suivant.

Bon. Merde.

Tu attends quelques coureurs, tu ne pleures pas en les voyant passer, tu ne pleures pas en entendant les cris, les applaudissements et la musique qui résonne, tu franchis la rubalise, grimpes la rue qui pique un peu les cuisses, files à Graslin, patientes, croises le tracé, coinces la rubalise sur ton guidon, t’échappes enfin, croises encore le tracé, puis te faufiles sous le pont Tabarly traversé par une nuée qui trottine, tu ne pleures pas et tu t’échappes enfin. La Loire, enfin.

Well, hello thereWell, hello there

C’est quoi le nom de ce pont, déjà ? Tu ne le sais toujours pas mais ce matin, dans ce sens-là, de ce côté-ci, avec cette légère brume, tu le vois.

Sur le pont du périph’, que tu prends toujours dans l’autre sens, tu t’arrêtes à la frontière. Tu roules dessus depuis des années — les lettres s’estompent — et tu souris à chaque fois.

Ce passage, pour rejoindre le sud, tu sais très bien où il mène mais tu le découvres. Planqué à deux pas de la voie rapide, il repousse la verdure juste ce qu’il faut pour laisser passer un vélo.

Illustre inconnuIllustre inconnu

Tu retrouves tes repères — le crépitement de la gomme sur le chemin de halage, les herbes hautes dont tu suis la courbe la main tendue, la pente de pavés qui mène à la divatte en hauteur et puis non fais chier le chemin, ce sera la divatte parce que merde.

Le bitume est encore frais, le soleil s’active, les ombres durcissent.

Les paysages, les pas de porte, les tours planquées, les barques détournées, les bateaux amarrés : tout est badigeonné d’une lumière écrasante ou souligné d’un trait épais.

Tout te réprimande avec douceur et une pointe de tristesse : Tu ne faisais plus attention, patate.

À demeureÀ demeure

Tu souris, avant de répondre à voix haute, en pédalant comme un con : Oui, c’est vrai, pardon.

ok coolok cool

Il y a cette voie gravillonnée privée, propre et entretenue, au milieu des champs, que tu oses enfin emprunter. Une tête de bovin flegmatique et une barque qui flotte encore t’accueillent en silence. Une voiture garée au fond laisse entendre que c’est privé et actuellement occupé.

YAKOIYAKOI

Tracé platTracé plat

Au milieu d’un champ, sous un arbre, quatre murs de parpaing rehaussés d’un toit suggèrent en silence : Le minimum vital. Et pourquoi pas ?

Unabomber was hereUnabomber was here

À Oudon, après trente-cinq kilomètres parcourus et zéro envie de s’arrêter, un mec a sorti sa mobylette pour célébrer cette journée, et le soldat au pied du château en a vu d’autres pour se laisser impressionner.

Born to be wildBorn to be wild

MouaisMouais

À Ancenis, rues et places sont comme un dernier souffle — anti-spectaculaire, paisible, un peu triste quand même.

StarlightStarlight

Autoportrait à l’angle mortAutoportrait à l’angle mort

Au bord du fleuve, jeunesse dorée et darons voulant rester cool investissent la guinguette qui empêche la ville de mourir en silence : house crachotée par les enceintes disséminées, guirlandes, poulet grillé et pommes de terre en croûte d’ail cuisinés par une casquette à barbe.

House et guirlandesHouse et guirlandes

À tableÀ table

Casquette à barbeCasquette à barbe

Le retour se fera lentement, tour à tour écrasé par le soleil, enveloppé par la verdure ou chatouillé par les hautes herbes.

ÉcraséÉcrasé

EnveloppéEnveloppé

ChatouilléChatouillé

Tous les êtres humains croisés l’après-midi sont de pathétiques junkies en pleine défonce à la vitamine D. Tout le monde essaye de poncer sa tronche de cadavre hivernal.

La défonceLa défonce

Pit stopPit stop

Swedish — death metalSwedish — death metal

Courbe du câble, poteau, courbe du câble, poteau, courbe du câble, poteau — pédaler à allure régulière, c’est de l’hypnose à moindre frais : il suffit de lever les yeux.

Vous dormezVous dormez

En ville, aux abords du CHU, le bruit des pales de l’hélico esquinte le ciel comme un flacon de verre qui glisse entre les doigts avant de tomber puis rebondir et rebondir et rebondir sans jamais se briser. Tout le monde attend que ça s’arrête, fasciné par l’incident malgré tout.

Tu ouvres la porte, tu retires ta casquette, tes lunettes de soleil et tes clés, tu retires les affaires de ton sac sanglé au porte-bagages, puis tu manges tout ce que tu peux parce que tu crèves la dalle.

89,96km. Un bon dimanche. Mieux qu’une habitude.

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