C’est rythmé, documenté et bien fichu. Avec humour mais sans détour, cette web-série (8x6 min.) décortique les mécaniques à l’œuvre derrière chaque réseau social ou application ancrée dans nos usages aujourd’hui.
We should just accept the fact that, for the most part, social media platforms have failed at encouraging good discussions. They successfully managed to gather people in one space but failed miserably at providing the tools to have useful conversations.
Manuel Moreale est designer web indépendant depuis quelques années. Sur son blog, il partage son point de vue et son regard sur le web et ses usages, mais pas seulement.
Dans ce billet, il y développe quelques idées intéressantes:
Il conclut simplement:
More people should delete their social media and should embrace more personal mediums. Start a personal site or a newsletter. Then go read what other people have to say on topics that interest you.
Voilà précisément ce que les discours (éventuellement politiques) du type de ceux portés par Trump et voilà précisément ce que les architectures techniques du type de celle de Facebook, voilà précisément ce qu’ils font aux opinions, aux systèmes politiques et aux interactions sociales, c’est à dire aux trois éléments premiers de l’équilibre métastable de toute société humaine : ils les artificialisent.
C’est (très) long. C’est dense. Mais c’est passionnant, comme la plupart des articles d’Olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l’information. Son regard critique et son analyse très poussée des réseaux sociaux et des comportements qu’ils engendrent, des biais qu’ils accentuent, sont salutaires pour questionner ces usages.
Un métier invisible, difficile, peu considéré et peu connu du commun des mortels: les modérateurs des plateformes des géants du web1.
Leur métier? Mettre en application les conditions générales d’utilisation des plateformes, donc déterminer si un contenu doit être supprimé ou non. Traduction: regarder des vidéos et des photos d’exécution, de pédopornographie, de torture, etc.2 et décider de leur suppression pour éviter que nous risquions de voir ce genre de contenu entre le cliché du dernier morveux de notre pote qui a fait sa première crotte et le chat mignon qui joue de la guitare avec un string.
Non, ce n’est pas un algorithme qui filtre les contenus. Un algorithme n’est pas capable d’identifier un bourreau qui tranche la gorge d’un prisonnier en vidéo, ou la photo d’une fellation d’un adulte par un enfant de 6 ans. C’est un être humain qui fait ça. Ils sont des milliers à le faire, chaque jour.
Ce sont les mêmes êtres humains qui décident qu’une photo comme celle de Nick Ut, prise en 1972 au Vietnam, ne respecte pas les conditions d’utilisation de Facebook et doit être supprimée. En effet, on voit les parties génitales d’une enfant à l’image.
Beaucoup de notions sont abordées dans le film, toutes liées. Le sujet est complexe, les enjeux politiques et sociétaux conséquents.
Le film illustre:
À la longue, les plateformes finiront par prendre elles-même les décisions. Ce sont elles qui interprèteront la loi, qui décideront de ce qui est légal ou pas, de ce qui est légitime ou pas. Qu’un tel pouvoir de décision soit abandonné à ces plateformes devrait vraiment inquiéter les opinions dans les sociétés démocratiques.
— David Kaye, Rapporteur spécial des Nations Unies pour la liberté d’expression
The only meaningful act of protest in the 21st century is to permanently delete your digital accounts. Facebook. Netflix. Amazon. The big ones. Making signs and standing in crowds on the weekends won’t do anything. Retweeting provocative ideas won’t do anything. Giving money to other people who promise to fight for your cause on your behalf won’t do anything. In 2018, you have exactly one point of leverage, and that is your monetized attention.
L’auteur du billet est bien conscient que son annonce en première phrase est peu probable (surtout à grande échelle). Ça ne change rien: plausible ou non, il montre que ce sont dans ces bulles, où notre attention a de la valeur, qu’un levier existe. Non pas en discutant, échangeant, partageant de l’information (puisque c’est faire le jeu de ces plateformes), mais en agissant sur les bulles elles-même — en les quittant.
Le rôle de connexion entre les personnes n’est pas remis en question. Oui, c’est l’opportunité de créer et maintenir des liens affectifs; oui, cela permet à des personnes aux sensibilités et curiosités communes de partager leurs vues. Mais oui, Facebook 4 fait plus de mal que bien.
Si la suppression en masse qu’il préconise dans son billet est évidemment (et malheureusement) utopique, les arguments avancés (déjà entendus ou non) nourrissent, encore une fois, la nécessaire distance critique à prendre face à ces plateformes.