À 5h45, dans les rues de Nantes, il y a des éméchés qui traînent la patte, des feux rouges qui vivent des moments de solitude et une teuf Covid friendly de maboule au dernier étage d’un immeuble de Feydeau, face au CHU. Le soleil annonce timidement son arrivée mais n’a pas encore déballé ses rayons.
Dans le hall de la gare, sur 10 personnes présentes à cette heure matinale, 4 tiennent un vélo chargé comme un camion de déménagement : tout est empilé et sanglé en priant pour que ça tienne.
Sur le quai de la gare, quand la Meuf de la SNCF à la voix pré-enregistrée annonce un retard de 25 minutes, le mec qui avait commencé à démonter son vélo pour pouvoir le charger dans le train (procédure de rigueur quand on n’a pas pu réserver une place pour ledit vélo), il regrette de s’être pressé. Quand ledit train entre en gare mais s’arrête 100 mètres plus loin que les passagers en attente, c’est au pas de charge qu’il remonte sa bête pour la démonter 2 minutes plus tard. Le mec commence sa journée de traviole.
Un TER compte 2 rames, chaque rame propose 2 wagons pouvant chacun accueillir 3 vélos non démontés. Dans ces wagons-là, les wagons cyclistes, la conversation entre inconnus met 3 secondes à démarrer.
Vous partez ou vous rentrez ?
Il croque un pain au chocolat sous blister et sirote un café acheté chez le marchand de journaux de la gare. Quand il soulève son masque pour boire une gorgée, il révèle une barbe châtain bien taillée. Il a la trentaine séduisante — sportive et bon vivante. Il ne fume pas, il est trop sportif pour ça; il a goûté aux drogues mais n’a pas été convaincu; il revient d’une semaine d’arsouille en vélo avec 2 potes — il y avait 2 Irlandais de plus au départ qui ont abandonné le 2ème jour.
Le soir, on s’est essentiellement nourri de bière. Je vais passer la semaine chez mon père, pour la diet’.
Il a un vélo Gravel qui coûte 2 mois de salaire et qu’il a intelligemment démonté après être monté dans le train. Il l’a fait sous l’œil admiratif et bienveillant de 2 gars quinquagénaires qui attendent pour poser leurs deux vieux b-twin chargés comme des blédards.
On part faire le tour de la Bourgogne. 880 kilomètres en deux semaines et demi.
Respect, les blédards. Ils sont d’origine plus modeste que Barbe châtain mais pas moins enthousiastes.
Grâce à ce trio, ce qui aurait dû être une somnolence de 4 heures entres Nantes et Nevers a viré à la conversation enjouée sur le kiff de la vadrouille à vélo.
Nevers, point de départ officiel du voyage, s’offre enfin sans retenue. Un vieux centre historique, des rues pavées qui culminent à 7.2 sur l’échelle de richter, des sens interdits, des sens uniques, des sens interdits avec contre sens cyclable. Tout ça sur les susnommés pavés. Ouch.
Sur la carte, c’est plié avec un droite-droite-gauche-gauche-droite boum la Loire boum le pont. Dans la vraie vie dont la carte s’inspire pourtant, 15 minutes au lieu de 5 pour sortir de la ville, trouver une petite route paumee, une départementale trop grande puis un canal de l’Allier qui emmène tout en douceur jusqu’au pont-canal.
L’enfilade de bornes commence. Lente, laborieuse, avec un honnête vent de face qui certes rafraichit MAIS EMPÊCHE D’AVANCER NORMALEMENT, BORDEL.
45 bornes après le départ, à la Charité sur Loire, la pause coca zéro quiche à la tomate a la saveur d’un repas de l’Antiquité : manquent la toge et les grappes de raisin servis par des esclaves en monokini peau de léopard. Vu le tarif du coca en terrasse, je suis quand même déçu de pas être reparti avec une toge. C’est sympa les toges, c’est estival.
Généreux, le vent offre des rafales constamment, qui régulent la température du corps mais VA SOUFFLER SUR TA MÈRE. BORDEL.
La nuitée du jour se passe au Malaga, camping municipal de Pouilly-sur-Loire. Le nom est tarte mais le site est un havre de paix absolu : à l’écart de la ville, posé en bord de Loire, avec une terrasse ombragée à côté de l’accueil, équipée en chaises et tables de jardin. L’endroit idéal, après une bonne douche, pour écrire quelques lignes en fumant un zouzou. Les feuilles des arbres bruissent sous l’effet du vent.
Kilométrage
Notes pour plus tard
Musique du jour
NB: pardonnez la piètre qualité de reproduction des Polaroïd. Ce que vous voyez sont des photos prises avec un téléphone des clichés pris avec un appareil instantané gros comme un camion. D’où les reflets malheureux.