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Loire à vélo • 5 • Des hauts et des bas

deux catégories de personnes sur cette Terre

Bon. Le genou droit grince un peu ce matin. Ce sera une petite journée. Pas une mauvaise idée d’ailleurs : besoin de laver un bermuda, une chemise et un caleçon. Et une casquette. Et des chaussettes. Trouver un camping tôt pourrait être l’opportunité de mener une vie de ménagère accomplie.

YOLO.

Départ de Savonnières peu avant 8 heures. N’importe quelle appli météo sur un téléphone intelligent annonce une après-midi à plus de 30 degrés aujourd’hui. Résultat : il y a du monde en selle dès les premières heures. Pour profiter de la fraîcheur des chemins boisés.

Derrières balades le long du Cher. Qui a sa p’tite gueule bien mignonne, soyons clair. Puis, quelques kilomètres après Villandry, retour au bord de la Toute Belle, la Loire.

Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis

C’est l’un des plaisirs de ce voyage au bord de la Toute Belle : jouer à cache-cache. Il y a les chemins qui la longent, les routes qui la surplombent, les parcours qui dandinent, les détours qui s’en éloignent. Chaque fois qu’elle reparaît, c’est une petite claque dans la gueule. La raison d’être de ce petit périple.

Avec la fatigue, le pilote automatique se déclenche et mène sans broncher jusqu’à Candes Saint Martin, là où la Vienne et la Loire se rejoignent. La clinquante vue sur Montsoreau depuis le pont qui enjambe la Vienne sèche net. Genre canon. Genre personne n’a pris le soin de prévenir que là juste là ce serait maboule.

Pile ou face.

A la sortie de Montsoreau, il y a un dilemme.

Traduction : tranquille Émile ou dans la douleur.

Il est 11 heures, quelques dizaines de bornes dans les pattes, le corps est chaud, le genou est là.

Va pour la douleur.

Un gauche droite dans le bled, un coucou cordial à un retraité qui passe, une route à droite BOUM UN MUR.

Un.

Mur.

Pied à terre à mi chemin. Pause. Et on y retourne.

Il y a deux catégories de personnes sur cette Terre : les grimpeurs, et les autres.

Tant pis.

Grimper, ça coûte cher. Même de simples coteaux. Mais la vue ensuite offerte, parfois à perte de vue, fait bomber le torse. L’inclinaison des coteaux et l’alignement des pieds de vigne offre des moiré qui font un peu vriller la tête. On se surprend à reprendre un bon rythme, profiter d’une route en creux pour prendre un peu d’allure, savourer une descente, même de quelques secondes, maudir à nouveau la côte qui se présente soudain, retrouver de la hauteur, s’émouvoir d’une couleur qui semble neuve à nos yeux. Le genou grince, le soleil cogne mais l’environnement panse et récompense.

pause syndicale

La trop fugace descente sur Saumur est un petit shoot de drogue dure enjouée. Le château apparaît sur la droite, puis le resto dont la terrasse offre une vue million de dollars sur la bâtisse. Choisir cette option pour le déjeuner est tentante mais ce qui s’annonce titille le gamin qui sommeille : une putain de descente recouverte d’un macadam de compète. Rond point en une seconde, prise de vitesse, grande courbe un peu serrée qui fait flipper juste ce qu’il faut, courte hésitation au second rond-point puis descente à nouveau jusqu’au centre ville.

Du velours, bébé. Du velours.

Déjeuner sur la placette ombragée à l’angle de la rue du puits neuf et de la rue de la tonnelle. Au cœur de la cité. Comme un besoin de se réconcilier avec l’idée d’une ville, après le coup de poing dans les côtes qu’a été la traversée de Tours. Les seuls bruits sont le brouhaha des conversations, le clapotis de l’eau de la fontaine et le ronronnement du compresseur de l’étal du vendeur de glaces. Pizza aux légumes et tarte aux framboises consacrent le moment.

Peu de bornes après le repas, cause vie de ménagère. Du chemin serré et inconfortable avant de se rabattre sur le départementale nord Loire, en direction des Rosiers sur Loire. Pont, sud Loire, Gennes, camping.

Arrabbiata

Je vous laisse une clé pour un des casiers, vous pouvez y charger votre téléphone pour être tranquille. Vous la laisserez devant la porte demain si vous partez tôt.

Un simple oui, vous pouvez charger votre téléphone là aurait suffi. Là, c’est Byzance. Fort Knox. Le George V.

Il y a un frigo et un congélateur à disposition sous le Barnum juste derrière vous. Vous pouvez y laisser ce que vous voulez pour avoir du frais demain.

Comment avoir de l’eau fraîche pour sa journée du lendemain en 2 phrases.

Ce soir la fabrikapates sera là. C’est un food truck qui ne fait que des pâtes. Elle fait tout maison.

Comment obtenir un bon dîner après une journée à pédaler sans même poser la question.

La soirée devrait bien se passer.

Le bivouac installé et la douche prise, c’est l’heure de la lessive. Un gel douche peut aussi faire office de lessive : il suffit de frotter un vêtement au lieu de sa peau.

Au retour de la lessive, un couple a pris place. Ils sont profs en Seine et Marne, font Paris La Rochelle en un peu moins de deux semaines. 1200-1400 bornes. Ils rêvent d’y vivre. Ils demandent leur mutation chaque année mais rien pour l’instant. Ils roulent, s’équipent légers et optimisés. Ils sont beaux, après 70 bornes ou après la douche, ne boivent pas d’alcool et sont d’une courtoisie exemplaire.

Après les pâtes délicieusement pimentées et la pana-cotta fondante, de retour au bivouac, une brochette d’hurluberlus s’est installée. Étudiantes et étudiants à Compiègne, ils font une boucle de Saumur à Saumur, en passant par là où le vent les mène. L’une d’elles veut aller voir l’une des plus grandes écoles d’équitation, à Saumur justement. L’idée du voyage est née comme ça.

Même volume ou même poids ?

L’un d’entre eux découvre la cuisson du riz.

Même volume. Un verre d’eau pour un verre de riz. Et faut le rincer avant.

Cette dernière remarque laisse dubitatif certains d’entre eux.

Mouais. On n’est plus à ça près.

La lessive a séché, la bière du dîner fait son effet, ils partent à quatre pour cuire un bol de riz.

Tout va bien ici bas.

Bilan

Kilométrage

  • du jour : 89 km
  • cumulé : 490 km

Notes pour plus tard

  • Potasser la cuisson du riz

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