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Loire à vélo • 6 • Le genou grince

Variante du téléphone qui pleure

Départ de Gennes peu avant 8 heures. Les cuisses tirent sur quelques centaines de mètres avant de se détendre, le genou grince comme l’armoire de mémé.

Breakfast in bed

Le trajet jusqu’à Saint-Mathurin se fait au rythme de la mémé propriétaire de l’armoire. Sur place, la boulangerie fournit les pains au chocolat, la municipalité le banc face à La Loire pour les déguster. Le ciel se pare d’un léger voile qui s’épaissira progressivement dans la journée. Le vent suit la même progression, il se lève peu à peu. Tous deux signes des intempéries à venir, pour ce soir ou demain.

Route de campagne jusqu’à la Daguenière, puis Les-Ponts-de-Cé et Sainte-Gemmes. Les vacanciers à domicile ou en résidence secondaire bricolent, taillent les haies, balaient leurs pas de porte, ratissent les graviers de leurs allées de garage. Retour en bord de Loire et sur les chemins jusqu’à la Maine, qu’un pont permet d’enjamber pour atterrir à Bouchemaine, là où Loire et Maine se rejoignent. L’endroit idéal pour une pause coca clope à la terrasse d’un troquet sans charme mais avec terrasse.

Au sortir de la ville, un petit panneau à l’attention des cyclistes indique : Nantes, 88km. La simple vue du nom de la ville redonne un coup de fouet. Avec déjà 50 bornes dans les pattes, ce ne sera clairement pas pour aujourd’hui, mais la prise de conscience de l’objectif assouplit le genou. Provisoirement. Une chouette balade démarre. De détours dans les bourgades en passages au bord de la Loire au plus près de l’eau, le parcours offre ses p’tits plaisirs. Les bourgades fleurent le bon vivre et les soirées en bonne compagnie, les déambulations tout au bord du fleuve provoquent une joie enfantine. De l’eau, là, partout, beaucoup.

Chaque kilomètre

Une petite dizaine de bornes après la Possonnière, un pont permet de rejoindre l’île de Chalonnes. Au pied du second pont, celui permettant de passer sud Loire, un bar resto : le café Bondu. Quelques tables pour boire un verre sont posées à même le chemin, la terrasse en bois le longe. Il est midi pile, 30 minutes avant le coup de feu, la cuisine est opé, la musique d’ambiance est une horreur de soupe aux sonorités latines tartinées de boum boum électroniques, des cyclistes et une demi douzaine d’ouvriers sont déjà attablés. L’endroit parfait pour déjeuner, tant pis pour le casse-dalle.

31 minutes et un plat ingurgité plus tard (60 bornes dans les pattes à ce moment-là, ça creuse le ventre du plus frugal des rouleurs), le coup de feu part. Quinquagénaires qui pensent être cool, quadragénaires qui ont cessé de l’être mais continuent de ramer pour le paraître, trentenaires qui ne le sont déjà plus mais s’achètent les vêtements pour faire tout comme. L’endroit est connu, tout le monde connaît le patron, tout le monde connaît tout le monde. On fête un chiffre d’affaires, on tempère une saison au ralenti, on glisse des blagues salaces avant l’apéro. À la 32ème minute après l’arrivée sur site, les ouvriers payent et décampent. À la 33ème, retour en selle.

Les dix putains de bornes nécessaires pour longer l’île de Chalonnes se font dans la douleur et la lenteur les plus affligeantes. Le coup de massue du repas, le grincement de genou et les mains endolories font traîner le lourd convoi d’un être humain sur vélo. Mais quand même : une île de dix bornes de long en plein milieu de la Loire. Boisée, cultivée, peuplée. Quand même.

Retour sud Loire au bout de l’île. Et

chaque

putain

de

kilomètre

passe

lentement.

Le bar de la Marine fait un clin d’œil mais ne justifiera pas un arrêt, Saint-Florent ne parvient pas à séduire, le chemin boisé qui suit apaise à peine. Le coup de fouet du matin, au sortir de Bouchemaine, a plié boutique à la pause dej. Salaud.

Dernier arrêt avant le terminus

Un container aux fausses allures de roulotte fait office d’accueil, de cuisine et de bar. Des tables et chaises en fer, en bois et en plastique dépareillées offrent une vaste terrasse colorée. Des fauteuils et table faits de pneus usagés un espace détente légèrement à l’écart. Une vieille caravane à moitié désossée aux allures de guitare électrique tient lieu de scène. Derrière la guitare géante démarre un camping paisible et verdoyant : des emplacements ombragés, quelques tipis et tentes en dur, 2-3 toilettes sèches et cabines de douche en bois disséminées ça et là.

Il y a un concert ce soir. Et on fait des burgers en prime.

L’accueil est chaleureux et détendu par défaut, le tutoiement direct et naturel.

Bienvenue aux Babins, guinguette camping de la Rabotière. Concert tous les vendredis de l’été. Camping du soir et dernier bivouac du voyage.

La soirée devrait bien se passer.

Bilan

Kilométrage

  • du jour : 90 km
  • cumulé : 580 km

Notes pour plus tard

  • Racheter un genou droit. Neuf si possible.

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